BLANQUER, ou LE LIBÉRALISME AUTORITAIRE

Il n’y a aucune raison que la politique éducative de ce gouvernement soit différente des orientations nationales... En bonne logique, Blanquer pratique un libéralisme autoritaire dont la dimension idéologique échappe encore aux médias dont il reste l’enfant chéri.

Promouvoir une vision de la France et de l’École réactionnaire

« Jean-Michel Blanquer reprend à son compte nos idées sur l’école. Je ne peux que m’en féliciter. C’est une victoire idéologique pour nous, et une défaite des pédagogistes, qui ont fait tant de mal au pays ! »
Marine Le Pen dans le cadre du forum Ecole et Nation, 08/12/2017

Quel était le programme éducatif de Le Pen pour les présidentielles ? L’accent mis sur les rudiments (lire, écrire, compter) enseignés de façon traditionnelle (syllabique, méthodes répétitives etc), la priorité donnée aux grands textes du patrimoine littéraire et aux exercices de grammaire, un enseignement de l’histoire réduit au roman national, le rétablissement du redoublement, la multiplication des évaluations et des examens visant à une orientation précoce des élèves, la baisse du nombre des bacheliers, une surveillance accrue des élèves... Effectivement, le ministre a largement commencé à appliquer le programme en question. Il va même au-delà puisqu’il est en train de mettre au pas toute une profession via un arsenal de lois qui empêchent l’expression de toute opposition et brisent les organisations syndicales.

L’affichage dans toutes les salles de classe de la Marseillaise et du drapeau, voté mais non appliqué pour l’instant faute de moyens, était un autre gage donné à la frange la plus nationaliste de notre pays. Le SNU est le dernier avatar de cette conception de l’École : ce dispositif, qui coûtera environ 1,5 milliard d’euros à terme (alors qu’il ne reste déjà plus que 200 millions pour la « revalorisation » des profs !) , a pour but affiché la « mixité sociale et géographique, la culture de l’engagement et la formation civique. »
Obligatoire à partir de 2023, le SNU comprendra une phase obligatoire de 15 jours, de « temps de cohésion » en « brigade », hors de sa région d’origine, pendant l’année de seconde, puis une deuxième phase de 15 jours, obligatoire aussi, dissociée de la précédente, toujours sur l’année de seconde, consacrée à un projet collectif d’intérêt général. À lire le dépliant sur le SNU, qui reprend les codes de couleurs de la droite, l’objectif serait plutôt d’amener les élèves vers l’uniforme en général.

Par ailleurs, l’instrumentalisation de la notion de laïcité telle que Blanquer la pratique ne peut que susciter de la gêne. La stigmatisation de toute une frange de nos élèves est à l’oeuvre. Sur Besançon par exemple, les élèves des séries technologiques (et seulement eux) ont été envoyés à un spectacle théâtral contre la radicalisation. Ils ont bien perçu ce que cela signifiait.

Donner moins à ceux qui ont le plus besoin, c’est bien le propos du ministre.
Mais l’affichage des classes dédoublées en primaire brouille les pistes.

Les fonctions périphériques à l’enseignement, désormais considérées comme superflues, sortent du champ de l’Éducation Nationale : l’orientation (Onisep et Psy-EN) est transférée aux régions ; le ministère vient d’annoncer son intention de transférer la médecine scolaire (infirmières et médecins scolaires) aux départements, sans aucune concertation avec les personnels concernés.

L’éducation prioritaire est lâchée en rase campagne. D’une part, le rapport de la mission Azéma-Mathiot préconise la réduction du périmètre de l’éducation prioritaire aux seuls REP+, plaçant les REP, délabellisés, sous responsabilité académique et donc sous la coupe d’une gestion locale, pas toujours dénuée de pressions. D’autre part, les crédits de fonctionnement spécifiques des REP+ sont sérieusement rabotés. Dans notre académie, les quatre collèges REP+ voient leur dotation horaire amputée des crédits spécifiques, dévolus aux référents par exemple.

Les réformes successives du ministère visent toutes à augmenter le tri social et à pousser le plus rapidement possible les élèves issus de milieux défavorisés vers la formation professionnelle ou l’apprentissage. On constate un changement de discours lors des conseils de classe de troisième depuis cette année sur l’orientation… et une belle promotion de l’apprentissage. Pour ceux qui passeront la barre du lycée, les déterminismes géographiques se chargeront de sceller leur destin universitaire, grâce au bac local : Parcoursup’ triera ceux qui viennent des bons lycées et les autres. Les dotations pour la rentrée 2020 le montrent bien : ce sont les lycées technologiques et les petits lycées de campagne qui perdent le plus de moyens.

Par contre, l’argent afflue vers les dispositifs élitistes tels que les sections internationales ou vers l’enseignement privé : désormais, les municipalités se doivent de financer les maternelles privées.