Le vide du pouvoir

Le CTA du jeudi 24 juin s’est tenu en visioconférence : le rectorat ne disposerait pas de salles susceptibles d’offrir les garanties sanitaires nécessaires... Détail amusant quand on connaît l’insistance du recteur à nous envoyer en cours en classe entière au motif que « la chaîne de contamination s’arrête à l’école ». À l’école oui, au rectorat, non.

Le recteur a la santé fragile. À moins qu’il ne se soit habitué aux visionconférences, « qui ont ceci de pratique qu’on peut faire autre chose en même temps », selon ses propres dires !

Les documents soumis aux organisations syndicales portaient presque tous sur des dispositifs particuliers : sections sportives, classes bilangues, SEGPA... pour lesquels le statu quo ou des créations, avec un minimum de moyens, étaient prévues. Des documents plutôt consensuels et qui permettent au rectorat de tenir un discours d’auto-satisfaction parfaitement insupportable, car le sort quotidien des élèves dans les structures habituelles est totalement occulté.

La circulaire concernant les personnels administratifs contractuels constitue bien une avancée, mais la mise en œuvre de la nouvelle grille salariale s’étalera sur des mois et n’est même pas obligatoire.

La carte des spécialités et options en lycée pour 2021-22 confirme l’analyse que le SNES avait portée dès le début : l’offre s’étiole d’année en année, les spé de langues vivantes et artistiques étant particulièrement fragiles. Dans les lycées trop petits pour financer des groupes à faibles effectifs, c’est le CNED qui est proposé aux élèves ; d’ici un an ou deux, ces spécialités ne seront plus demandées et disparaîtront probablement. Les mutualisations ne fonctionnent pas, là aussi les disparitions sont programmées. Les options facultatives voient leurs effectifs fondre comme neige au soleil et sont presque toutes menacées. La réforme Blanquer est bel et bien une machine à supprimer les options excessivement efficace, le processus ne pourra être enrayé qu’avec son abolition.

Le bilan social du rectorat est certes intéressant, mais constitue une simple compilation de chiffres sans analyse et surtout sans volonté de lutter contre les phénomènes à l’ouvre, par exemple les inégalités hommes-femmes. Nous avions l’an passé déjà demandé un groupe de travail consacré à ce document, en vain.

Les questions diverses posées par la FSU ont donné lieu à des réponses drôles, quand on a une bonne dose d’humour...

Les ruptures conventionnelles, censées remplacer les primes de départ, sont encore à l’état de fiction dans notre académie : sur 49 demandes, seules 3 ont été acceptées (2 dans le premier degré et 1 dans le second) pour un montant total de 37 500 € : ce n’est pas ça qui va mettre le budget de notre académie dans le rouge. La raison en est simple : « l’intérêt de l’employeur est primordial » et si le demandeur ou la demandeuse n’est pas dans une « situation complexe », s’il n’y a pas de « besoin disciplinaire » (?) , c’est non. Autrement dit, ils ne donnent la rupture conventionnelle qu’aux boulets...

La désorganisation actuelle au niveau des épreuves de bac est totalement minimisée par le rectorat, qui prétend « qu’il y a toujours eu des problèmes de convocations ». En même temps, on nous signale que les personnels de la division des examens et concours sont restés certains soir jusqu’à 22h passées pour gérer les catastrophes induites par des interfaces ministérielles indigentes, des instructions communiquées au dernier moment, le tout avec un manque criant de personnel qualifié.
Le SNES s’est fait l’écho des multiples problèmes des collègues, notamment en termes de délais de correction, allongés jusqu’au 4 juillet pour les lettres mais pas pour la philo, à cause des commissions d’harmonisation.

Pour conclure, le « dialogue social » n’a rien d’un dialogue. Les propos tenus par les représentants des personnels sont dénigrés ou caricaturés en permanence pour faire la place à un discours d’autosatisfaction parfaitement grotesque. On a l’impression d’assister à la chute de Rome devant un empereur qui ne veut rien voir. Les propos de Pasolini sur le pouvoir, écrits en 1975, étaient visionnaires :

  • « ...il ne leur reste entre les mains que ces appareils inutiles ne livrant plus d’eux que la réalité de leurs funestes complets vestons. »
    Pier Paolo Pasolini, « Le vide du pouvoir »,
    Corriere della Sera, 1er février 1975

Et rappelons-nous qu’il a suffi d’une poignée de Wisigoths pour faire tomber Rome.