Le 10 mars 2022, 25 professeurs des langues vivantes (Anglais, Allemand, Espagnol, Arabe) se sont réunis au Lycée Jules Haag à Besançon pour discuter pendant une journée de la situation des LV et des menaces qui pèsent sur leur enseignement dans le contexte des reformes précédentes et actuelles. Le stage a été animé par Nathalie Le Gendre, responsable LV pour le SNES au niveau national.

Le stage a commencé par un point sur l’actualité qui est marquée d’un côté par deux ans de COVID et d’un autre côté par la continuation des suppressions de postes. 440 postes seront de nouveau supprimés cette année dans le secondaire – mesure justifiée entre autre, selon le ministère, par l’entrée des stagiaires nouvelle formule qui sont censés enseigner tout de suite à temps complet.

Nathalie Faivre du bureau du SNES de Besançon a complété ses informations avec l’évolution des postes des LV dans notre académie entre 2019 et 2022 :
En lycée :
Anglais : 7 postes créés, 16 supprimés
Allemand : 0 postes crée, 5 supprimés
Espagnol : 0 postes crée, 9 supprimés
donc un total net de 23 postes supprimés en 4 ans, et cela avec un effectif d’élèves stable.
À cela se rajoute un total net de 7 suppressions de postes de LV en collège : moins 16 (!) postes en Anglais, moins 2 en Allemand, mais plus 8 en Espagnol et la création de 2 postes en Italien et 1 en Chinois.
La situation est alarmant en Anglais et Allemand : La suppression de 25 postes en Anglais se traduit sur le terrain par des groupes de plus en plus chargés. En Allemand les regroupements ubuesques et antipédagogiques continuent au collège : 3e LV2 regroupée avec 3e bilangue, 5e LV2 regroupée avec 1e bilangue…
Les LVC continuent à perdre des élèves en lycée à cause de la reforme qui a supprimé l’avantage que les options ont apporté pour le bac et du fait que les heures pour une option doivent être prises sur une marge de la DGH trop juste pour les besoins.
D’après le constat des collègues, les directions des collèges favorisent toujours plus le tunnel « anglais-espagnol », propice pour remplir les groupes/classes au maximum et facilitant les EDTs, mais au détriment des enseignants d’autres LV qui doivent de plus en plus souvent faire des complètements de service sur un, voire deux autres établissements, et ce en contradiction des besoins sur le terrain avec des entreprises qui cherchent désespérément et souvent en vain des candidats capables de parler Allemand ou Italien.

Les stratégies du nouveau management mettent de plus en plus à mal les collègues et surtout des collègues le plus « vulnérables », c’est-à-dire des collègues de LVB et LVC qui subissent les fluctuations des effectifs d’élèves d’une année à l’autre. Ils se trouvent souvent en tenailles entre l’accusation d’être responsable d’une baisse des effectifs de leur discipline (qui est en effet plutôt l’effet souhaité par la politique du « tout Anglais/Espagnol) » et le fait d’être la variable d’ajustement, censé être « adaptable » à merci et jusqu’à l’épuisement. En même temps les collègues d’Anglais et Espagnol ne sont pas mieux traités, car on leur impose toujours plus d’HSA, ce qui fait que certains ont jusqu’à 10 groupes à gérer. Autre scandale évoqué : les heures des LV en classe techno qui sont largement insuffisantes pour un public qui aurait besoin de plus de temps et d’attention.

Beaucoup de questions aussi concernant les différents tests, certifications et attestations (evalang, certifications Cambridge etc.) : la privatisation de certains de ces « diplômes » est un affront fait aux professeurs de LV qui se voient dépossédés de leur savoir faire au profit d’entreprises privées auxquelles le ministère est prêt à payer des sommes - en refusant en même temps une vraie revalorisation des professeurs dont les salaires sont parmi les plus bas de l’Europe.

Les participants ont aussi exprimé leur grande inquiétude concernant le bac Blanquer : Si l’attestation est, grâce à la mobilisation du SNES, suspendue pour cette année, le contrôle continue interpelle la profession à cause de ses contradictions (p.ex. : des notes formatives qui deviennent tout à coup des notes certificatives) et à cause de leur grand inégalité. Ce constat a été suivi d’un discussion autour du CERL qui est devenu « le bible » de la didactique en LV, et qui a comme but de restreindre l’enseignement des LV à un simple apprentissage de compétences vidé de tout savoir et de toute connaissance. Il suffit de savoir « se faire comprendre » : le « globish » est devenu l’objectif et a remplacé l’étude la langue de Shakespeare.

Face à cette dégradation de notre métier, le SNES a présenté des stratégies de défense : aide pour remplir les fiches CHSCT (maintenant en ligne) en cas de maltraitance par sa hiérarchie provoquant des risques pour la santé psychique et physique, proposition des stages sur le nouveau management et stratégies à adopter lors du CA… Et surtout un rappelle que tout dépend du rapport de force : contre la maltraitance et les effets pervers du nouvel management un seul mot d’ordre : la solidarité et le soutien entre collègues qui peuvent faire basculer la balance à notre faveur.

Gilda Pasetzky